Publié le 18/04/2018

Le lancement il y a quelques semaines par les laboratoires Evolupharm d’un « appareil électronique correcteur de surdité », préréglé à 35 dB, a provoqué de multiples réactions de l’Unsaf, de la Cnam, de l’Ordre des pharmaciens quant à son caractère remboursable ou non. Interview de son fabricant, Fabien Zolciak.

 

Après les déclarations du syndicat des audioprothésistes et de l’Assurance maladie, la firme pharmaceutique a continué à affirmer que l’appareil était pris en charge, indiquant que des caisses régionales d’assurance maladie avaient d’ores et déjà procédé à des remboursements. Nous avons pu consulter les mails de 3 Cram assurant qu’elles acceptaient effectivement de couvrir ces dispositifs. A notre demande, Fabien Zolciak, le fabricant du DE17L (distribué sous les marques commerciales Audibest et Acousie), a accepté d’expliciter sa position.

 

Comment réagissez-vous à la déclaration de la Cnam indiquant que votre appareil n’est pas remboursé ?

J’estime qu’il n’y a pas eu de prise de position officielle de la Caisse nationale d’Assurance maladie. Il s’agit seulement d’une réponse du service de la communication à la question posée par des journalistes. D’ailleurs, l’Assurance maladie ne décide pas seule des appareils qui sont pris en charge ou non, il y a des règles. Aujourd’hui, pour qu’un appareil électronique correcteur de surdité soit inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables aux termes de la LPP 2351548, il faut qu’il obtienne une note supérieure à 5 aux tests réalisés par un laboratoire reconnu par les autorités. Etant fabricant et mandataire pour le DE17L sur le marché français, je lui ai fait passer ces tests auprès de LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais, ndlr) et il a obtenu 6,6, ce qui signifie qu’il est automatiquement remboursable, sous le code générique, car il respecte les critères de la nomenclature pour un appareil de classe A.

 

La Cnam affirme qu’il doit d’abord être « évalué par la Haute autorité de santé »…

Il est effectivement prévu que la Haute autorité de santé puisse se prononcer sur le caractère remboursable d’un appareil, mais ce n’est absolument pas obligatoire. Pour qu’un produit figure sur la LPP, il faut soit l’inscrire sous une description générique1 soit déposer un dossier auprès de la HAS2. Je n’ai pas besoin de cet avis, le DE17L est de fait inscrit sur la liste des produits remboursables. J’ai contacté toutes les Caisses régionales d’assurance maladie et plusieurs m’ont répondu par écrit qu’il était bien pris en charge, à condition qu’il soit délivré sur prescription d’un médecin, l’une précisant qu’il devait être vendu par un fournisseur conventionné : opticien, pharmacien, audioprothésiste. Il y a d’ores et déjà plusieurs centaines d’appareils vendus sur ordonnance, pour lesquels les patients ont été remboursés.

 

Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’il peut être vendu en pharmacie ?

L’arrêté du 15 février 2002, article 1 point 5 : les pharmaciens peuvent délivrer des dispositifs médicaux à usage individuel. De plus, la décision du Conseil d’Etat du 29 juin 2016 a précisé que les assistants d’écoute n’empiètent pas sur le monopole des audioprothésistes car ils ne nécessitent pas d’adaptation. Mon appareil est dans ce cas : préréglé, pré-moulé, le seul réglage possible est le volume. Aucun texte légal ou réglementaire n’impose l’indissociabilité de la fourniture et de la prestation d’adaptation, telles que décrites dans la nomenclature LPP 2351548, l’Autorité de la concurrence l’a rappelé dans son avis du 14 décembre 2016.

 

Que comptez-vous faire compte tenu des déclarations de la Cnam à l’encontre de vos arguments ?

J’ai saisi son directeur général, car la réponse faite par le service de communication est imprécise et ne cite pas les textes légaux concernés. Selon moi, la prise en charge d’un appareil auditif requiert l’intervention d’un audioprothésiste sauf pour les dispositifs qui ne nécessitent pas d’adaptation. J’ai également saisi le ministère de la santé. Ce débat a un goût de remake de celui qui a eu lieu sur les lunettes loupes il y a 20 ans. Pour qu’on ne me reproche pas de n’être là que pour faire de l’argent, j’ai délibérément inscrit mon appareil en classe IIb, ce qui m’interdit (contrairement à la classe IIa) de faire de la publicité à destination du grand public.

Je propose une solution aux gens qui ont une perte auditive légère à moyenne et n’ont pas les moyens ou pas le temps de passer par un médecin, un Orl, un audioprothésiste (5 ou 6 rendez-vous minimum)… J’ai introduit sur le marché une solution, à un rapport qualité prix imbattable (prix de vente public entre 200 et 239 euros). Je suis favorable à un meilleur remboursement des aides auditives par l’Assurance maladie, mais en attendant et/ou pour les gens qui ne souhaitent pas un appareil sur mesure, j’apporte une réponse.

 

 

Quelques mots sur Fabien Zolciak

Malentendant de naissance et appareillé depuis 35 ans, il est connu dans le secteur de l’audition en France pour avoir été le fabricant (société CDI) des assistants d’écoute vendus dans la grande distribution, notamment chez Darty. Il affirme ne plus produire ces appareils et fabriquer aujourd’hui essentiellement des dispositifs à la marque de ses clients.

 

 

 

  1. NDLR : L’expression exacte est : « auto-inscription sur une description générique existante par le fabricant des dispositifs médicaux, répondant aux critères définis pour cette catégorie sans dépôt de dossier auprès de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) ». Cette instance peut faire une étude a posteriori à la demande du fabricant ou en s’auto-saisissant.
  2. NDLR : par exemple pour une nouvelle technologie, pour laquelle le service rendu n’a jamais été évalué ou pour faire inscrire sur la LPP un produit sous nom de marque, une extension de gamme…
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