Publié le 06/05/2020

Le déconfinement sera-t-il synonyme de retour au bruit ? La remontée des intensités sonores en centre-ville occasionnera-t-elle des symptômes auditifs, en particulier chez les malentendants ? Nous en parlons avec Valérie Rozec, docteur en psychologie de l’environnement au Centre d’information sur le bruit.

Le constat est sans appel. Durant le confinement, on observe une réduction de 4 dB à 6 dB dans les centres urbains, soit une baisse de 60 % à 75 % de l’énergie sonore, selon les mesures collectées par Acoucité*. Ce silence relatif dans les villes et à proximité des grandes infrastructures de transports, aérien et terrestres, s’efface cependant déjà : la réduction de l’intensité est moins marquée dans la 6e semaine de confinement que durant la 1ere. Nos environnements sonores sont de nouveau en train de se modifier.

 

Réduction des niveaux sonores, des impacts positifs mais…

« Il y a des effets bénéfiques reconnus, à court terme, d’une baisse du volume

baisse des niveaux sonores

L’enquête de perception d’Acoucité montre que sur une échelle de 0 à 10, l’intensité perçue du bruit, toutes sources confondues, a baissé de 2,32 points.

sonore sur la santé notamment par une moins grande stimulation du système végétatif, indique Valérie Rozec, docteur en psychologie de l’environnement** et responsable de projets Santé Environnement au CidB. Cela a un impact sur le stress et le système respiratoire, qui est plus apaisé. Mais, sur quelques semaines, cela n’annule pas les conséquences d’une exposition au bruit à long terme, bien connues : surreprésentation de l’hypertension, des maladies cardiovasculaires, des AVC… » Dans le sondage réalisé par Acoucité, les répondants qualifient le changement d’environnement sonore pendant le confinement, en immense majorité, comme agréable, paisible ou calme. « On ne peut pas totalement généraliser, tempère cependant Valérie Rozec. En termes de perceptions sonores, le niveau compte, mais les différences inter-individuelles sont très importantes. Le bruit des transports en ville a un effet de masquage et son atténuation en fait émerger d’autres : voisinage, travaux, par exemple. Et chacun interprète ces perceptions en fonction d’un vécu individuel. » Le bruit des voisins pourra ainsi être ressenti comme une nuisance ou comme un rempart contre la solitude, selon la spécialiste, les sons quotidiens ont aussi un caractère rassurant…

 

Déconfinement, un retour au bruit ?

Le confinement exacerbe une tendance de fond observée par les spécialistes : les Français sont de plus en plus conscients de leur environnement sonore et de ses effets sur la santé. En témoignent les récents sondages commandés par la JNA ou la Semaine du son : 92 % des personnes pensent qu’il a un effet sur leur état physique et moral. Avec la remontée prévisible des niveaux sonores quand viendra le déconfinement, des symptômes vont-ils se faire jour ? « On ne peut pas présumer des impacts mais il peut en effet y avoir des réactions de stress ou de gêne, répond Valérie Rozec. La prise de conscience quant aux effets sur la santé pourrait se traduire par un besoin, plus souvent manifesté, de trouver des moments de calme, de répit auditif, de ressourcement. »

 

 

Tenir compte de ce contexte dans la prise en charge des malentendants

Pour les personnes souffrant de troubles auditifs, une multitude de situations peuvent se présenter. « Pour celles ayant des acouphènes, par exemple, la problématique est un peu différente car, chez certains, le silence exacerbe le problème », relève Valérie Rozec. Selon les patients, les changements d’environnements sonores que nous connaissons pourront avoir des effets variables. D’autant plus pour ceux dont les aides auditives auraient connu des avaries pendant le confinement. « Le manque de stimulation auditive a un impact délétère sur la communication et d’un point de vue psychologique, deux mois, c’est beaucoup, affirme la spécialiste. Il sera nécessaire de restimuler ces personnes, de les aider à reprendre des interactions sociales. » Les audioprothésistes seront en position d’accompagner leurs patients, notamment les plus âgés d’entre eux, à faire face à cet enjeu, au-delà des problèmes pratiques de réparation ou d’entretien.

 

  • En toute hypothèse, il ne sera pas inutile d’ajouter, dans vos prochains entretiens avec vos patients, notamment acouphéniques, une ou deux questions sur les modifications qu’ils ont perçues dans leur environnement sonore et sur leur ressenti à ce propos. Leurs réponses pourraient éclairer utilement votre analyse de leurs plaintes ou difficultés d’audition.

*Observatoire de l’environnement sonore – Acoucité, « Confinement Covid-19. Impact sur l’environnement sonore », données au 29 avril 2020. Mesures réalisées à partir de 21 stations, dans la Métropole de Lyon et les 6 agglomérations partenaires : métropole Aix Marseille Provence, Grenoble Alpes Métropole, Saint Etienne Métropole, Toulouse Métropole.

**La psychologie de l’environnement étudie la façon dont les individus perçoivent et évaluent leur environnement physique : le bruit, mais aussi les nuisances olfactives, par exemple. Les recherches dans ce champ portent aussi sur l’aménagement urbain et l’appropriation des espaces par les citadins.

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