Publié le 05/10/2023

 

Le directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie, Thomas Fatôme, a donné ce matin une conférence de presse sur la lutte contre les fraudes. Le secteur de l’audioprothèse est dans son viseur.

 

Comme on le sait, détecter et stopper les fraudes est l’une des priorités actuelles de l’Assurance maladie. Thomas Fatôme l’a surligné ce matin, la Cnam est dans une « recherche d’équilibre entre plus d’accès aux droits, plus d’accès aux soins mais aussi plus de lutte contre la fraude ; il s’agit de rembourser rapidement mais en mettant en place des contrôles a priori et a posteriori ». Au 1er semestre 2023, 150 M€ de fraudes ont été détectées, avec un objectif de 380 M€ sur l’année (et 500 M€ en 2024). Les suites contentieuses sont en hausse de 15 %.

 

L’audioprothèse au centre de toutes les attentions

La Cnam veut débusquer plusieurs dizaines de millions d’euros de fraudes en audioLa Cnam a décidé de porter une attention particulière au secteur en raison de l’augmentation des remboursements, à la suite de la réforme 100 % santé, « qui est un succès majeur, c’est important de le redire, c’est une réussite dans l’accès aux soins », a martelé Thomas Fatôme. Il s’appuie aujourd’hui sur la lutte contre les fraudes en audio pour illustrer plus généralement ses actions. La CPAM de Seine-Saint-Denis (93) a mené une campagne de contrôles approfondie depuis la fin 2022. Elle a révélé, selon le DG de l’Assurance maladie « le cocktail habituel que l’on trouve dans une situation frauduleuse, mais dans un domaine en forte expansion ». Aurélie Combas-Richard, directrice de la CPAM de Seine-Saint-Denis (93), a fait part de son retour d’expérience.

Sur 109 sociétés d’audioprothèse en Seine-Saint-Denis, 55 sont installées depuis 2020. On retrouve davantage ces entreprises récentes parmi les fraudeurs.

A la suite de signalements, les contrôles se sont portés sur 2 sociétés d’audioprothèse, sous l’autorité d’un seul gérant. Elles présentaient des « atypies de facturation » : 24 ans d’âge moyen des patients, des personnes appareillées dans toute la France alors que les prescriptions venaient quasiment toutes d’un même centre de santé en Ile-de-France. La Cnam a déposé plainte contre les 2 entreprises qui ont depuis arrêté leur activité et sont en redressement. Elle a également entrepris en urgence une procédure pour stopper le transfert de fonds à l’étranger, engagé par l’une des deux sociétés. Dans cette affaire, le préjudice est évalué à 2,3 M€. Par ailleurs, l’examen des dossiers des bénéficiaires de la CSS a permis d’éviter 3,7 M€ de remboursements injustifiés en audio. Et, toujours dans ce département, des contrôles rétrospectifs sur 2022 ont permis de repérer des indus pour un montant de 2,3 M€. La CPAM a, par exemple, appelé les assurés pour vérifier qu’ils étaient bien possesseurs d’aides auditives, d’un appareillage binaural le cas échéant… En tout, 14 plaintes pénales ont été déposées par l’Assurance maladie contre des sociétés d’audioprothèse, dans le 93.

 

17 % de fraudes

La somme des fraudes repérées en Seine-Saint-Denis représente 8,3 M€. Au niveau national, le préjudice de l’Assurance maladie concernant l’audioprothèse pourrait s’élever à « plusieurs dizaines de millions d’euros ». Thomas Fatôme met cependant en garde contre une généralisation à partir d’un seul département. Le taux de dossiers frauduleux, découvert dans le 93, est de 17 %, bien supérieur à celui constaté dans d’autres secteurs (lire encadré ci-dessous). La Cnam a donc annoncé 2 grandes mesures pour les mois à venir : des contrôles sur les délivrances d’audioprothèses dans toute la France, avec une attention particulière pour les bénéficiaires de la CSS, et une action ciblée concernant 130 entreprises d’audioprothèses identifiées pour leurs facturations atypiques. Outre l’âge moyen des patients, l’Assurance maladie peut être alertée, par exemple, par l’absence d’acte médical remboursé avant la demande de prise en charge des audioprothèses, alors que l’ordonnance est évidemment obligatoire…

 

Un bon point : les télétransmissions des rendez-vous de suivi ont doublé

« L’absence de suivi, de façon isolée, n’est pas une fraude, mais elle peut être un indicateur d’une situation frauduleuse », a précisé Thomas Fatôme. L’Assurance maladie a mené l’année dernière une importante campagne de sensibilisation tant auprès des patients (courriers à 772 000 assurés appareillés en 2021) que des audioprothésistes (4 000 audioprothésistes ont reçu la visite de délégués de l’AMO). Au 1er semestre 2023, 1,1 million de rendez-vous de suivi ont été télétransmis contre 462 000 sur 6 mois en 2022. La Cnam se réjouit que cette action d’accompagnement ait porté ses fruits.

 

Une évaluation plus précise de la fraude

Dans cette évaluation statistique, récemment renforcée, l’Assurance maladie
ne raisonne pas de façon globale mais par poste de remboursement, afin de
tenir compte des spécificités de chaque secteur. Marc Scholler, directeur de
l'audit, des finances et de la lutte contre la fraude de la Cnam, a présenté
les résultats des évaluations précises menées concernant les masseurs-
kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes et les médecins spécialistes.
Ce même travail avait été effectué l’année dernière pour les infirmiers
libéraux, généralistes et transporteurs. Les derniers chiffres montrent des
taux de fraudes faibles – entre 2,6 et 4 % pour les spécialistes, entre 5,2
et 6,8 % pour les masseurs-kinésithérapeutes – mais qui peuvent représenter
des millions d’euros de préjudice.
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