Dans un témoignage aussi complet que touchant Guillaume Baugin, membre de l’ARDDS, au centre de la photo entre Paul Avan et Arnaud Coez, a fait part de ses difficultés quotidiennes, malgré l’appareillage, pour maintenir des relations sociales de qualité et des enjeux de l’inclusion. Au pupitre, Jean-Michel Klein, modérateur de la table ronde.
Sous le thème “Son et politiques”, la soirée santé de la Semaine du son, modérée par Christian Hugonnet et le Dr Jean-Michel Klein, président d’ORL-DPC, a exploré à la fois les risques des nuisances sonores, leur nécessaire prévention et les améliorations de la détection et de la prise en charge des surdités.
En introduction Lionel Collet a posé les grands enjeux de la santé auditive en France – et appelé ORL et audioprothésistes à travailler ensemble à des recommandations sur les presbyacousies. Il a listé 3 points d’attention : l’obligation de faire face à l’évolution démographique (vieillissement, polypathologies, maladies chroniques), la croissance épidémiologique (du fait des expositions sonores) et le manque de professionnel de santé ou de temps médical disponible.
Dans un exposé didactique et pointu, la Pr Christine Petit est revenue sur « la beauté de l’oreille interne dans son architecture cellulaire », pour préciser le mécanisme de la presbyacousie : « les cellules sensorielles sont atteintes et le contact entre les neurones auditifs et la cellule ciliée interne est perdu, donc il n’y a plus de transfert du message au cerveau ». La responsable du laboratoire d’innovation en thérapies auditives à l’Institut de l’Audition-Institut Pasteur, a détaillé le processus de dégradation cellulaire (qu’il soit lié au vieillissement ou aux expositions sonores). Il commence toujours par un stress cellulaire, entraînant une inflammation. Puis elle a évoqué les travaux actuels pour trouver un traitement curatif aux pertes auditives liées à l’âge ayant une cause héréditaire monogénique. Et enfin, elle a balayé les hypothèses actuelles pour expliquer les liens entre déclin auditif et maladies neurodégénératives, qui ne sont pas encore élucidés, scientifiquement. Y-a-il un mécanisme commun, un impact de l’appauvrissement sonore sur le cerveau, une sur-sollicitation des ressources cognitives en raison de la perte d’audition ou interaction entre les altérations auditives et l’activité du lobe temporal médian ?
- Christine Petit
- Paul Avan
- Arnaud Coez
- Vincent Couloigner
- Hung Thai-Van
Le Pr Paul Avan, directeur du Ceriah, a précisé les façons dont les nuisances sonores atteignent les récepteurs de l’audition et les circuits cérébraux auditifs et extra-auditifs (mémoire, sommeil, stress…). De nos jours la règlementation fixe des seuils d’intensité et de durée, à partir desquels les personnes doivent se protéger, mais les bruits impulsionnels et la compression ne font l’objet d’aucun encadrement, alors que les recherches récentes commencent à montrer leur nocivité et les mécanismes d’endommagement. Paul Avan a, en positif, insisté sur l’importance de faire connaître au grand public la notion de décibel mais aussi de « bon son » (de qualité, qui garde une dimension naturelle) pour lui permettre de le privilégier dans ses choix d’écoute.
Arnaud Coez a défini précisément le rôle de l’audioprothésiste dans la prévention et la façon dont le paysage a été bouleversé par la généralisation du dépistage néonatal en 2012. Elle a permis de réduire drastiquement les temps avant prise en charge des enfants atteints de surdités. Les études d’IRM d’enfants (à l’hôpital Necker-Enfants malades) ont montré qu’il existe vraisemblablement des périodes critiques pour le développement, dépendantes de la stimulation auditive, autour de 4 ans. L’audioprothésiste est également impliqué dans les recherches du Ceriah sur les presbyacousies. Elles peuvent avoir des causes génétiques, récemment mises en évidence. « Les gens nous arrivent bien tard, avec des pertes d’audition bien importantes », a-t-il souligné, pour insister sur l’importance du dépistage et de la sensibilisation (avec Höra notamment).
Poursuivant sur le sujet des prises en charge pédiatriques, le professeur Vincent Couloigner, de l’hôpital Necker-Enfants malades, a mis en avant l’importance du suivi, tout au long de l’enfance et de l’adolescence, notamment pour ceux ayant été infectés par le CMV, à risque en raison d’un terrain familial ou porteurs de syndromes, mais pas uniquement. Au-delà de 6 ans, aucun suivi systématique n’est organisé, d’où la nécessité de disposer d’outils de repérage utilisables par tous. Et, bien qu’il n’y ait pas de susceptibilité particulière des enfants au bruit, les expositions répétées (jouets, musique, classes) mettent à mal leur système auditif.
Pour présenter de façon accessible la réflexion d’un ORL cherchant à poser un diagnostic, le Pr Hung Thai-Van a présenté un cas clinique. Une patiente de 40 ans, touchée par un trouble de la compréhension, avec une otoscopie normale, sans atteinte de l’oreille moyenne, un audiogramme montrant une faible perte (en testant à la demi-octave), des oto-émissions normales et une première investigation des troubles du spectre des neuropathies auditives n’ayant rien révélé. Ce qui va finalement donner la réponse, a expliqué le professeur Thai-Van, c’est l’audiométrie vocale dans le bruit, avec un score SIB50 effondré. Il a utilisé cet exemple pour rappeler l’évolution des critères de prescription des aides auditives dans l’arrêté de novembre 2018 (100 % santé) et promouvoir, une nouvelle fois, l’emploi des tests de vocale dans le bruit par tous les professionnels de l’audition.