Publié le 15/03/2022

 

L’Ouïe Magazine a sollicité les analyses de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) à la lecture du rapport de l’Igas-IGÉSR. Marc Leclère, son président, nous a répondu sur les grands enjeux du secteur : le taux de recours, le tiers payant, les télétransmissions des rendez-vous de suivi…

 

L’Ouïe Magazine : Quel est votre point de vue global sur le travail fourni par l’Igas et l’IGÉSR ?

 

Marc Leclère, président de l’Unocam : Nous avons pris connaissance du rapport Igas-IGÉSR et de sa trentaine de propositions qui couvre un champ très large, de la réforme du 100 % santé à la formation des audioprothésistes en passant par les enjeux de la filière. En tant que représentants des Ocam, nous avons regardé plus attentivement le volet 100 % santé et constatons que l’Igas-IGÉSR reconnaît un succès quantitatif avec une forte hausse des volumes des aides auditives. Nous confirmons ces éléments. Le 1er Baromètre 100 % santé publié en janvier dernier a permis d’objectiver ce constat : sur le premier semestre 2021, la dépense totale d’aides auditives augmente fortement passant de 642 M€ à 935 M€. La part couverte par les Ocam progresse sensiblement passant de 40 % à 45 %, + 5 points, de 255 M€ à 418 M€. Ces dépenses sont largement tirées par le dynamisme des volumes des aides auditives.

Le rapport de l’Igas-IGÉSR considère que les effets qualitatifs de la réforme sont encore incertains et à mieux évaluer. Nos premières observations, qui restent à confirmer, sont quand même que le taux de recours s’améliore en audiologie, domaine marqué par un sous-équipement des assurés avant la réforme et dans lequel il existait du renoncement aux soins. Il ressort, toujours sur le premier semestre 2021, que le nombre de bénéficiaires consommants augmente de 51 % et le nombre d’audioprothèses remboursées de 67 %. Davantage d’assurés se sont équipés et une proportion plus importante a eu recours à un équipement binaural qu’avant l’entrée en vigueur de l’offre sans reste à charge, ce qui va dans le sens d’une amélioration de l’accès aux soins. Mais c’est vrai, il faudra évaluer dans la durée les effets qualitatifs de la réforme.

 

Avez-vous le sentiment que les demandes de l’Unocam ont été entendues ?

 

Il nous a semblé important de rappeler les principes qui sous-tendent cette réforme à la fois ambitieuse et innovante, qui avait d’abord pour objectif d’améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens. L’idée est de permettre l’accès de tous les assurés ayant un contrat de complémentaire santé responsable à un panier sans reste à charge, grâce à l’intervention combinée de l’assurance maladie obligatoire et des organismes complémentaires, qui contribuent très majoritairement au financement des offres du 100 % santé.

 

Nous notons que le rapport Igas mentionne mais sans la reprendre la proposition des représentants des audioprothésistes visant à aligner le niveau de prise en charge par les Ocam du panier de classe II sur celui du panier 100 % Santé. Le ministre de la santé avait déjà rejeté cette idée.

 

De fait, ce n’est pas l’esprit de la réforme du 100 % santé qui vise à permettre l’accès à un panier de classe I large et de qualité sans reste à charge, mais de maintenir un panier de classe II libre et dont les garanties et notamment le niveau de couverture dépendent du choix des assurés. En outre, l’alignement du plancher conduirait automatiquement au renchérissement des garanties de certains contrats. Cela risque de peser sur les cotisations et sur l’accès à la couverture de complémentaire santé.

 

 

Quelles sont les propositions que vous souhaiteriez voir mises en place et, à l’inverse, celles que vous rejetez ?

 

Nous rejoignons l’Igas sur l’idée qu’il faudra dresser un point complet de la réforme dans le secteur des aides auditives, dès que nous aurons le recul suffisant. Plusieurs sujets sont mentionnés. Il conviendra certainement, au vu des volumes importants constatés, de revenir sur le niveau du prix limite de vente (PLV) des appareils de classe I. Concernant les spécifications techniques du panier 100 % santé, l’Igas propose une actualisation*. Pourquoi pas lorsque c’est nécessaire. La classe I doit continuer de répondre à l’ensemble des besoins des assurés. Mais cela doit plutôt relever d’ajustements, étant rappelé que le panier I représente déjà près de 40 % des ventes des aides auditives entre janvier et novembre 2021**. Par ailleurs, à notre connaissance, il n’existe pas d’indication médicale qui justifierait de recourir à des aides auditives de classe II plutôt que de classe I. Concernant enfin la prestation de suivi, nous sommes soucieux de vérifier son effectivité et sa qualité pour l’ensemble des patients ; cette prestation permettra de s’assurer de la bonne observance.

 

Il semblerait que le taux de télétransmission augmente, tant mieux, mais le nombre de prestations de suivi télétransmis reste insuffisant. Les prochains mois doivent permettre de confirmer la tendance et à défaut nous devrons en rediscuter.

 

Sur le tiers-payant, il convient de poursuivre le travail engagé pour objectiver les chiffres et la situation. Selon notre analyse, le recours au tiers payant par les audioprothésistes est d’environ 80 %, en progression sur ces trois dernières années : 30 points de plus par rapport à 2017. C’est donc un constat plutôt positif. Il faut que le dialogue entre l’ensemble des acteurs concernés, InterAMC et professionnels, se poursuive pour améliorer les dispositifs existants dans une logique de progrès continu, plutôt que d’envisager des mesures d’encadrement du secteur de la complémentaire santé, déjà très réglementé.

 

 

Qu’attendez-vous aujourd’hui de ce rapport ?

 

Le rapport de l’Igas-IGÉSR dresse un premier constat du 100 % santé à consolider dans les mois à venir et esquisse de nombreux chantiers pour la filière notamment pour la formation des audioprothésistes.  Au-delà des points positifs, il permet aussi d’identifier de possibles dérives qui méritent attention telles que le risque de suréquipement ou encore les pratiques promotionnelles. Comme tout rapport de ce type, il appartient aux pouvoirs publics de se saisir de cette « boîte à outils » dans le calendrier le plus adapté. Nous serons soucieux, en tant que partenaire essentiel de la réforme, d’être étroitement associés à toute évolution envisagée, dans le cadre du comité de suivi 100 % santé.

 

 

Vous venez de lire une version légèrement amendée de l’interview. Vous pouvez la consulter en intégralité ici.

 

 

*Telles que définies par l’arrêté du 14 novembre 2018 précisant les caractéristiques techniques minimales des aides auditives ainsi que les options figurant dans les listes A et B.
 **Source : Comité de suivi de la réforme 100% Santé – janvier 2022.
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