Publié le 18/01/2024

La soirée santé de la Semaine du son, qui s’est tenue ce mercredi au Ministère du Travail, de la santé et des solidarités, a donné la parole à des scientifiques et des audioprothésistes sur le thème cerveau et musique. Ils ont abordé des questions de fond comme l’évaluation précise des effets de la compression, tant de la musique que des paroles, sur l’audition ou la possibilité de restaurer le plaisir d’écoute des musiciens appareillés.

Christian Hugonnet, président fondateur de la Semaine du son, désormais entrée dans les programmes de l’Unesco, a animé la soirée, après le mot de bienvenue prononcé par le directeur général de la Santé, Grégory Emery. Shelly Chadha, en charge des questions d’audition au sein de l’Organisation mondiale de la santé, a rappelé les actions menées par cette institution pour établir des normes en matière d’écoute (seuils de risque) et pour répandre les bonnes pratiques : « si vous écoutez prudemment, vous pourrez continuer à écouter les musiques que vous aimez pendant très longtemps ». L’OMS va prochainement publier des standards pour le secteur des jeux vidéo et du e-sport.

Classer les musiques par niveau de danger ?

Paul Avan

Cette soirée, en partenariat avec l’Institut de l’audition, a permis à Paul Avan, directeur du Ceriah et initiateur d’une première étude sur les effets de la musique compressée sur l’audition, de faire un point d’étape sur l’avancée des explorations sur ce sujet. Après avoir démontré que la musique surcompressée avait un effet délétère sur les capacités de récupération du système auditif des cochons d’Inde, les chercheurs ont reproduit l’expérience avec un morceau de musique différent, jugé « plus aéré ». Aux mêmes doses et suivant le même protocole, il n’a pas été retrouvé d’altération des réflexes protecteurs, même avec la version surcompressée du titre. Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que les éléments constitutifs d’un morceau

Cerveau, musique et audition… Tant de pistes à creuser

participent au caractère délétère (ou non) pour notre système auditif. Des collaborateurs d’Ircam Amplify (qui met sur le marché les produits et services issus des travaux de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique), Florian Gille, responsable qualité, et Pablo Martin Luque, ingénieur tests et mesures audios, ont poursuivi les expérimentations. Ils ont cherché une méthode permettant de classifier les morceaux de musique en fonction de leur confort d’écoute, en croisant une analyse acoustique et les évaluations subjectives de 120 titres par un panel de personnes. En résulte la carte ci-contre, les tons chauds indiquant un inconfort d’écoute, les tons froids une absence de gêne. Si cette proposition de méthodologie s’avérait juste, elle devrait être prédictive du confort de l’écoute d’un morceau et, potentiellement, de son absence de danger pour l’audition. Le morceau qui s’est révélé dommageable pour l’ouïe des cobayes dans l’étude de Paul Avan se situe bien dans la pointe gauche de la carte. Le travail d’Ircam Amplify pourrait être la 1ère brique d’un label distinguant les musiques, supports ou canaux de diffusion respectueux de l’audition. A noter que les plateformes Deezer et Qobuz sont désormais partenaires de la Semaine du son, signe que ce questionnement infuse.

Séverine Samson, professeure de neuropsychologie cognitive à l’université de Lille, rattachée à l’Institut de l’audition (en vignette), Christian Hugonnet et le quatuor dirigé par Emmanuel Bigand.

Restaurer le plaisir de jouer

Les audioprothésistes Arnaud Coez, lui-même administrateur de la Semaine du son, et Bernard Hugon, spécialisé dans la prise en charge des musiciens, ont fait le tour des problématiques clés dans ce domaine. De la difficulté à faire passer les messages de prévention alors que les risques pour les musiciens sont connus depuis longtemps et que des protections sur-mesure efficaces sans distorsion sont disponibles, aux possibilités de réglages adaptés aux besoins des mélomanes. A ce sujet, Bernard Hugon a décrit sa démarche pour répondre aux spécificités des musiciens appareillés, en partant d’une juste évaluation des conséquences de leur perte de sensibilité dans les aigus (grâce à un test de brillance), à la recherche d’une formule d’amplification spécifique, avec le patient lui-même. En dehors de celle validée pour la musique amplifiée et pour des patients non instrumentistes (Cam2), d’autres sont en cours d’expérimentation (procédure simplex modifiée, formule liée à des critères énergétiques propres à la musique ou bien aux recherches en psychoacoustique). La soirée Santé a d’ailleurs été ponctuée d’intermèdes musicaux proposés par Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive titulaire de la chaire Musique Cognition Cerveau, et son quatuor à cordes.

Cerveau, musique et audition… Tant de pistes à creuser

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