Le 5 juin, le « Rdv avec l’audition » organisé par le Snitem a donné lieu à des prises de parole de personnalités du secteur, en parallèle de la présentation des résultats de l’étude EuroTrak 2025. Alors que la Sécurité sociale cherche à améliorer la pertinence de la dépense en audioprothèse, les représentants de la filière défendent le modèle actuel, notamment le couplage appareillage-suivi.
Une table ronde consacrée aux pistes d’amélioration de la prise en charge de l’audition en France a réuni Louis-Charles Viossat (co-rédacteur du rapport Igas-IGÉSR 2021), Fabrice Vigneron (président du groupe sectoriel Aides auditives du Snitem), Maher Kassab (PDG de Gallileo), le Pr Frédéric Venail (Snorl), la Pr Cécile Parietti Winkler (CNP ORL) et Guillaume Carval (adjoint au chef de bureau des produits de santé à la Direction de la Sécurité sociale). Les propos de ce dernier, très attendus, ont montré que l’audioprothèse est dans le viseur des pouvoirs publics, en raison de la fraude, bien sûr, mais aussi de manière générale, compte tenu de la hausse très importante des prises en charge sur ce segment depuis la mise en œuvre du 100 % santé. « En matière de dispositifs médicaux, il faut trouver des pistes d’efficience, parfois liées à des baisses tarifaires. Le contexte nous force à réfléchir aux moyens d’avoir une dépense pertinente. Pour les aides auditives, comment améliorer les choses ? Faut-il revoir les spécifications techniques ? Quid des surpuissants ? Quels sont les enjeux pour la population pédiatrique ? On se dit qu’il y a des aménagements à faire, notamment pour s’assurer de faire durer le parc de produits. Nous menons des réflexions sur leur durée de vie », a déclaré Guillaume Carval.
La menace du découplage ressurgit
La prise de parole de la Direction de la Sécurité sociale augure de réformes à venir dans la prise en charge de l’audioprothèse par l’AMO, qui pourraient notamment passer par un allongement du délai (actuellement de 4 ans) de renouvellement des appareillages (comme le souhaite aussi la Mutualité française, ndlr). Les pouvoirs publics pourraient également actionner la clause de limitation des prix limites de vente de la classe I prévue dans l’accord sur le 100 % santé, comme l’a recommandé le rapport de l’Igas. Cette possibilité a effectivement été mentionnée par Louis-Charles Viossat, qui a également souligné l’importance du « mieux prescrire » et « d’améliorer la qualité ». Face à ces éventualités, la profession met en avant les performances du modèle français, prouvées par les résultats de l’étude EuroTrak. Car l’épée de Damoclès du découplage appareillage-suivi semble ressurgir. « Le succès de l’appareillage, c’est l’aide auditive et l’audio ensemble. Il ne faut pas toucher à ça. Les meilleurs leviers pour les dépenses publiques sont d’améliorer le dépistage pour appareiller plus tôt », a déclaré Fabrice Vigneron.
Le dernier baromètre patients de Gallileo, présenté lors de la table ronde, montre en effet que les malentendants « n’ont pas envie de s’appareiller. La prise de conscience sur l’audition n’est pas encore assez forte. Beaucoup de personnes ignorent que la perte auditive ne se restaure pas aussi bien si on attend », a expliqué Maher Kassab. Et si l’étude relative aux ORL conclut que le nombre global de prescripteurs convaincus par l’intérêt de l’appareillage a augmenté, les marges de progrès restent importantes. « On observe une forte hétérogénéité. Beaucoup de médecins n’ont pas le temps de parler aux patients. Il faut trouver d’autres leviers pour éduquer le public », a ajouté le PDG de Gallileo. L’audioprothésiste peut ici jouer un rôle crucial, comme le suggère Frédéric Venail : « Il ne faut pas s’arrêter aux chiffres de satisfaction de l’enquête EuroTrak. Elle montre aussi 19 % d’abandon, c’est énorme ! Il faut peut-être revisiter le parcours de soins car il ne répond pas aux besoins de l’ensemnle des patients et des professionnels. Le médecin est le gardien du diagnostic, c’est sa fonction principale. Mais on pourrait s’adjoindre l’aide de paramédicaux. » Plus optimiste, Cécile Parietti Winkler a mis quant à elle en avant la réforme de la formation du 3ème cycle des ORL, désormais plus poussée dans les explorations fonctionnelles, notamment audio-vestibulaires. « Les jeunes ORL sont mieux formés », a-t-elle affirmé.
L’accès à la prescription sous surveillance
La Sécurité sociale est de son côté attentive aux effets de l’arrêt de la dérogation accordée aux généralistes non formés à l’otologie, qui ne peuvent plus primo-prescrire d’aides auditives depuis octobre 2022. « Nous allons étudier la nouvelle répartition des prescripteurs et le nombre de médecins généralistes formés, afin d’éviter les retards d’accès non justifiés. Nous consulterons les acteurs de la chaîne », a déclaré Guillaume Carval.
En conclusion, Fabrce Vigneron a invité les différents protagonistes à ne rien bouleverser : « Nous sommes à un moment charnière mais aussi à un équilibre. Certes pas celui qu’on avait imaginé, mais à un équilibre quand même. L’idée est de ne pas défaire ce qu’on a bien fait, d’améliorer ce qui doit l’être, de rester unis, et d’éviter des décisions qui pourraient dégrader le niveau de service des audios. »
Photo : de gauche à droite, Louis-Charles Viossat (Igas), Maher Kassab (Gallileo), Frédéric Venail (Snorl), Cécile Parietti Winkler (CNP ORL), Guillaume Carval (Direction de la Sécurité sociale) et Fabrice Vigneron (Snitem).