Publié le 14/12/2016

Le 14 décembre, l’Autorité de la concurrence a rendu publiques les conclusions définitives de son enquête sectorielle visant à identifier les éventuels dysfonctionnements du marché. Les deux obstacles principaux au développement de la concurrence sont, selon elle, le couplage appareil / prestation et les quotas d’étudiants en audioprothèse.

 

Relevant que l’appareillage des malentendants est un enjeu de santé publique et que plus d’un million de patients reste à équiper, le « gendarme » estime que la concurrence entre audioprothésistes est insuffisante, ce qui entretient des prix élevés. Dans ce contexte, l’Autorité formule deux principales recommandations.

 

1 – L’Autorité de la concurrence propose de rendre possible la dissociation entre la vente de l’appareillage initial (appareil + adaptation initiale + réglages de la 1ère année) et les prestations de suivi (les années suivantes).

Pour l’organisation, le couplage actuellement en vigueur complexifie les comparaisons de prix entre audioprothésistes, notamment sur la part des services, et peut conduire à des ventilations appareil / prestations artificielles (la part de l’appareil varie, selon les centres, de 46,6% à 75,2% du prix de vente TTC selon les relevés opérés dans le cadre de l’enquête). En outre, ce système forfaitaire est calculé sur la base d’une estimation du temps moyen que l’audioprothésiste va consacrer à ses patients, qui ont chacun des besoins spécifiques, ce qui conduirait 35 à 40 % des patients à payer plus cher qu’ils ne devraient. Il rend par ailleurs le patient « captif » même en cas d’insatisfaction. « Le forfait limite la baisse des prix : le patient ne peut comparer ni le produit ni la prestation, il n’a aucune idée de ce qu’il paye. Certaines personnes ne savent même pas que le prix englobe le suivi. Il faut donner au client une capacité de choix éclairé », explique Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, en soulignant la faible proportion des produits d’entrée de gamme vendus en France.

L’institution propose ainsi que le malentendant puisse choisir entre un système découplé ou un système forfaitaire, comme cela est le cas aux Etats-Unis, où un tiers des patients optent pour le découplage. Cela permettrait, selon son analyse, de réduire le coût immédiat (de 500€ par oreille soit 1000€ pour un équipement binaural), de réaliser des économies sur les prestations non réalisées (en cas de déménagement, de décès, de fermeture du centre…), d’individualiser les prix et les prestations, de changer de professionnel en cas d’insatisfaction et de donner plus de liberté de choix. Isabelle de Silva note qu’il s’agit cependant d’un « changement important », qui nécessiterait, le cas échéant, une modification du système actuel de remboursement de la Sécurité sociale. Pour éviter les risques liés à cette mesure, l’Autorité préconise en outre de l’assortir, si les pouvoirs publics venaient à l’adopter, de campagnes publiques de communication sur l’importance de l’observance et de la remise d’un carnet de soins au patient qui faciliterait le suivi d’un centre à l’autre.

 

2 – L’Autorité recommande également de supprimer ou à défaut d’augmenter le numerus clausus qui fixe le nombre d’audioprothésistes diplômés chaque année (200 pour la rentrée 2016).

L’organisation juge que ce quota n’est pas justifié, au regard du faible remboursement par l’Assurance maladie (faible impact sur la dépense publique) et de la liberté tarifaire en vigueur dans le secteur. « 15 à 20 audioprothésistes venus de l’étranger, surtout d’Espagne, sont recrutés chaque année, ce qui montre que le numerus clausus actuel est insuffisant », ajoute Isabelle de Silva, qui préconise de l’augmenter a minima de 50%, en soulignant que les pouvoirs publics ont conscience de cette nécessité et envisageraient d’ores et déjà 30 diplômés de plus par an. Pour l’Autorité, relever voire supprimer ce quota permettrait aux nouveaux entrants les plus offensifs (notamment venus de l’optique, qui proposent des prix inférieurs de 15 à 20%) d’étendre leurs réseaux en recrutant plus facilement. « En stimulant la concurrence, cette offre supplémentaire favorisera une diminution des prix qui, à son tour, facilitera l’accès effectif des patients aux audioprothèses », explique l’Autorité. Elle souligne cependant que cette mesure devra nécessairement s’accompagner d’une « politique volontariste d’augmentation de la capacité de formation des audioprothésistes, aujourd’hui contrainte par le nombre d’écoles et l’organisation des stages qu’ils doivent réaliser dans les services hospitaliers d’ORL ».

 

Notons que cet avis n’est que consultatif. « Les pouvoirs peuvent s’emparer de ces préconisations. Il semble que les ministères de la Santé, de l’Economie et la Cnam ne soient pas opposés par principe à la dissociation mais ils sont préoccupés par la qualité des soins et du suivi, qui serait cependant effectué dans de bonnes conditions via le carnet de soins », explique Frédéric Garron, rapporteur de l’enquête sectorielle. Il note cependant « une résistance forte de la profession » vis-à-vis de cette proposition, qui « pourrait faire perdre aux audioprothésistes une partie de leurs patients au bout de la 1ère année ».

 

Pour lire l’intégralité de l’avis, cliquez ici

 

 

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