Publié le 27/04/2020

Que peut faire un audioprothésiste désœuvré quand la prudence impose une fermeture quasi-totale de ses centres ?  Se reconvertir dans le « sourcing » de protections adaptées, pour pouvoir reprendre son activité dans les meilleures conditions. C’est ce qu’a fait Sébastien Gény, audioprothésiste dans le Nord de la France, qui nous détaille ses réflexions et ses trouvailles.

Quand le confinement est arrivé, Sébastien Gény, était prêt. Et quand viendra le déconfinement, il le sera aussi ! « J’ai senti arriver le confinement alors que mes patients ne réalisaient pas du tout ce qui se profilait : ils allaient bon train, comme si de rien n’était, alors que j’étais prêt à fermer mes 15 centres et à mettre en activité partielle mes 18 collaborateurs », raconte-t-il. Pendant une quinzaine de jours il dit n’avoir « pas bougé », puis il a débuté les permanences 2 fois par semaine dans son centre principal à Roubaix.

 

Depuis lundi dernier, il a rouvert, seul, à mi-temps. Un « drive » à l’entrée limite au minimum l’entrée des patients : une barquette pour déposer les appareils, désinfectée après chaque utilisation, une autre pour les piles… « En parallèle de ma petite activité, j’ai consacré ces 4 dernières semaines à faire du sourcing de masques, de protections en plexiglas pour le visage, pour les bureaux et les bornes d’accueil. » Sébastien Gény s’est inspiré de ce qu’il a vu chez son pharmacien – limitation du nombre de personnes à l’intérieur, port de masques et gants, vitres plexiglas – et a suivi les réflexions en cours au sein d’Entendre et à l’Unsaf. Vif dans ses recherches, il a trouvé de quoi répondre à ses besoins. « Pour les protections en plexiglas, je suis passé par une entreprise locale de communication qui a réorienté son offre. Aujourd’hui, je n’ai plus de problèmes d’approvisionnement en masques, via ma pharmacie, et en gel hydroalcoolique. Récemment, Entendre nous a proposé de bénéficier de commandes massives de masques et gel par sa plateforme logistique : je trouve très bien d’avoir cette deuxième source d’approvisionnement, par sécurité. J’ai aussi passé une commande de masques barrières en tissu, certes moins performants, mais utiles. Au premier chef, nous devons protéger nos équipes. Il va aussi falloir recréer la confiance avec nos patients. »

 

Des patients en souffrance Sébastien Gény selfie

 

Les demandes de patients montent graduellement en puissance : les appels, plus nombreux, sortent du cadre classique des appareils bouchés. « Je commence à voir des SAV critiques pour lesquels je prête des appareils, des personnes qui sont réellement en souffrance parmi ceux qui ont une surdité sévère et profonde. Un monsieur m’a appelé quasiment matin et soir parce que ses appareils ne marchaient plus. Des patients qui ont tardé à renouveler se retrouvent avec de la casse… » Sébastien Gény se pose des questions quant à la réouverture. On ne sort pas si facilement de l’état d’esprit d’hyper prudence instauré par le confinement. « Je pourrais rouvrir dès aujourd’hui, recevoir des gens en cabine… Mais j’ai encore des scrupules à rappeler mes patients en cours d’appareillage. J’ai les conditions pour assurer le service, il faut juste un déclencheur mental. Et pour rouvrir, il faudrait aussi qu’il y ait un flux. Pour l’instant, sur un après-midi, il vient 4 patients ! » L’audioprothésiste s’attend à voir réapparaître des personnes qui n’ont pas consulté pendant le confinement même si leur gêne était très prononcée et notamment des surdités brutales.

 

« 2 ans pour nous en remettre » ?

 

Quoique paré pour la reprise, Sébastien Gény ne fait pas preuve d’un optimisme débridé. « L’activité partielle est un super outil, mais qu’en sera-t-il après le 15 mai ? J’ai des petits centres, qui n’ont pas la même activité que les grands, je ne sais pas quand je vais les rouvrir… Et puis il y a le 100 % santé. Même avec les prêts bancaires garantis par l’Etat, le soutien de la BPI, je ne sais pas comment la profession pourra supporter 2 chocs dans la même année ! Pour se projeter loin, on a besoin d’une vision globale, notre secteur n’est pas détaché du reste de l’économie. » L’audioprothésiste voit du positif dans le report de facturation accordé par sa coopérative, dans le dialogue qu’il entretient actuellement avec ses fournisseurs, et accueillerait plutôt favorablement une accélération du calendrier de la réforme 100 % santé. Mais avec la récession économique consécutive à la crise sanitaire, il n’exclut pas qu’il faille « 2 ans pour nous en remettre ».

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