Publié le 24/11/2020

Certains Ocam envisagent, pour 2021, de rembourser les aides auditives de la classe II à un niveau inférieur à celles de la classe 1. Cette tendance, qui risque de pénaliser l’activité des audioprothésistes mais aussi la qualité de la prise en charge des déficients auditifs, inquiète les organisations professionnelles. En parallèle des discussions avec les réseaux de soins relatives aux conventionnements en cours (notamment Kalixia), le Synea (Syndicat national des entreprises de l’audition) tire la sonnette d’alarme. Entretien avec son président Guillaume Flahault.

 

Le 100 % santé en audition sera appliqué intégralement au 1er janvier. A quelques semaines de l’échéance, que constatez-vous du côté des complémentaires santé ?

Dès le 1er janvier 2021, les patients auront accès à des produits, ceux de la classe 1, sans aucun reste à charge. Pour y parvenir, les efforts conjugués de chacun des acteurs du métier ont été nécessaires. Les audioprothésistes ont accepté, sur ces aides auditives, des prix encadrés à la baisse. L’Assurance maladie obligatoire a doublé sa base de remboursement et les Ocam se sont engagés à compléter le remboursement pour atteindre un RAC 0. Mais, à l’heure de la mise en œuvre de la réforme, certaines complémentaires envisagent, pour des raisons financières, une inégalité de remboursement de la classe 2 et de la classe 1. Cette approche mettra à mal l’image du 100 % santé et fait peser un risque sur sa réussite. Le Synea tire la sonnette d’alarme car la prise en charge des malentendants ne doit pas être la variable d’ajustement de cette réforme.

 

D’un point de vue légal, les Ocam n’ont de contraintes que sur la classe 1 et celles qui font le choix de moins rembourser la classe 2 sont dans les clous du point de vue des textes. Quels arguments leur oppose le Synea ?

L’inégalité de traitement des classes 1 et 2 par les complémentaires santé va à l’encontre des principes de la réforme 100 % santé. Premièrement, l’Assurance maladie obligatoire a choisi de rembourser de la même façon les classes 1 et 2, ce qui montre qu’elle considère les appareils de classe 2 comme une réponse à des enjeux de santé. Ce ne sont pas des produits de luxe ou de confort ! Deuxièmement, différencier les remboursements sur ces deux catégories de produits pose un problème d’équité entre les patients : les produits de classe 2 sont dotées de technologies supérieures qui permettent de traiter des situations médicales plus complexes. Ainsi, les patients qui ont besoin de ces équipements sont pénalisés alors qu’ils subissent un handicap auditif supérieur. Ce seront souvent aussi les plus démunis, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la réforme, qui est d’améliorer l’accessibilité à l’appareillage. Ensuite, une telle situation pénalise le libre choix des patients, puisqu’un remboursement inférieur de la classe 2 pèsera sur le choix de l’assuré, qui décidera sur un critère financier et non en fonction de sa réalité médicale. Enfin, il faut rappeler que l’accord sur le 100 % santé, signé en 2018 par toutes les parties, prévoit un équilibre entre le poids des classes 1 et 2. Or, un remboursement réduit de la classe 2 par rapport à la classe 1 conduira nécessairement à une augmentation forte de cette dernière, ce qui sera contraire à l’esprit de l’accord. L’inégalité de traitement des classes 1 et 2 aura un impact économique majeur sur le métier de l’audioprothèse, comme l’a montré l’institut Xerfi, ce qui induira un risque de réduction de l’offre de soins. Les complémentaires bénéficieront par ailleurs de certaines économies qui sont prévues dans la réforme 100% Santé, comme la prise en charge des piles par exemple. Les Ocam qui n’augmenteront pas leur remboursement de la classe 2 pour l’aligner sur la classe 1, n’auront plus que des coûts additionnels mineurs. Ces complémentaires seraient alors les seuls acteurs à ne pas faire d’effort financier dans cette réforme !

 

Certains Ocam affirment que les aides auditives de la classe 1 sont suffisantes pour traiter la très grande majorité des pertes auditives et que, dans ce contexte, un meilleur remboursement de la classe 2 ne se justifie pas. Quel leur répondez-vous ?

Au contraire, l’inégalité de traitement des classes 1 et 2 par les complémentaires santé est dangereuse médicalement ! Il est aujourd’hui clairement démontré que la perte auditive a un impact sur la qualité de vie, la dépression, l’isolement social ou le déclin cognitif accéléré. Pour réduire ces risques, il faut que chaque malentendant ait accès à un appareil parfaitement adapté à son besoin (quelle que soit sa classe) afin d’obtenir une réhabilitation auditive optimale. Il faut aussi qu’il porte son aide auditive suffisamment longtemps et chaque jour pour en tirer tout le bénéfice. La politique de certains Ocam va pousser des patients vers des appareils auditifs inadaptés. Il serait regrettable qu’une réforme qui vise à un meilleur accès à l’appareillage auditif conduise à une régression en matière de satisfaction des patients et d’observance, alors même que la France est un des pays où ces indicateurs sont les plus élevés, comme le montre l’étude EuroTrak.

 

Voir aussi, sur le même sujet, le dossier “Remboursement de la classe II : si les Ocam ne jouaient pas le jeu ?” paru dans le numéro 100 de L’Ouïe Magazine. 

 

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